Abeille noire d’Ouessant

Version imprimable
Abeille noire d’Ouessant

Embarquement au Conquet.  L’Enez Essa III est à l’heure. Septembre finissant, fourni encore une bonne fréquentation touristique. J’ai rendez-vous avec Jean-Luc Hascouet l’apiculteur de l’association de défense de l’abeille noire bretonne. L’abeille est au centre de nos premières discutions. La biodiversité ouvre la perspective et nous finissons par parler de voyage et de cuisine. A la descente du bateau un apiculteur bénévole de l’association nous attend et nous « monte » au Stiff. Au pied du plus ancien phare en service des côtes de France, le Conservatoire du littoral met à disposition de l’association les anciens logements des gardiens de phare. Autour, la lande décline une subtile palette de teintes dominées par le jaune des ajoncs et le mauve des bruyères.

Après un repas pris sur le pouce, je me glisse dans les vêtements des apiculteurs et nous partons vers un premier rucher. Vue sur l’ile Keller au milieu d’une « jungle » d’ajoncs entre des murets de pierre sèches, les ruches sont là. Ici ruches de production partagent le territoire avec de petits ruchers destinées à l’élevage des reines. Car les reines ouessantines, sont les reines de la dernière colonie d’abeilles noires bretonnes de souche pure de l’Armorique mais aussi de la planète…. L’insularité garantie une lignée pure à 100% dénuée de varroa, le dévastateur vampire des abeilles. Ici l’environnement 100% biologique, c’est à dire sans pollution phytosanitaire, est un véritable pays de cocagne pour les abeilles. La mortalité ne dépasse pas quelques % alors que sur le continent, elle peut atteindre plus de 80%...

Ouessant apparaît donc comme le dernier sanctuaire des abeilles en Europe. Ici, l’apiculteur, au prix d’un travail phénoménal, est le conservateur d’une biodiversité essentielle, patrimoniale.

L’ile se retrouve au devant de la scène des problématiques environnementales de notre planète. C’est peut être là, que se joue une partie de notre avenir…grâce à l’abnégation de quelques passionnés et de leurs reines ouessantines d’adoption.

Sur le Terrain, pas de temps à prendre pour Jean-Luc. Il faut vérifier chaque petite colonie pour marquer les reines. Sans reine, les bourdonneuses sont dispersées dans la nature afin qu’elle intègrent d’autres colonies.

Pour éviter toute contamination, le matériel arrive sur l’île neuf. Chaque personne qui travaille dans les ruchers le fait avec combinaison et équipement qui ne quitte jamais l’île. Les « enfumoirs » utilisent du foin récolté sur les talus ouessantains. Ici pas de place à la mondialisation, Ouessant est et doit rester un bastion à l’écart du monde ….

Le lendemain, je termine mon reportage par une dégustation de miel… Et là gustativement, je comprends ce qu’est la biodiversité. En bouche, c’est une explosion de saveur, de senteurs, les papilles saturent comme mon regard voyage de plan en plan au fil de la lande qui coure jusqu’au rivages escarpés de l’île Keller.